Jamais trop de chocolat
D’habitude, je n’aime pas vraiment devoir mettre mon réveil plus tôt le matin pour aller affronter le trafic. Surtout le vendredi. Mais ce jour-là, c’était différent, parce que j’allais visiter un vrai de vrai laboratoire de chocolat et rencontrer la vraie de vraie Juliette de Juliette & Chocolat.
Aussitôt arrivé, elle m’accueille, telle une tornade d’énergie pure, avec un sourire qui ne la quittera pas de la matinée. Pas besoin de forcer sur le café, il suffit d’essayer de la suivre. Après un essayage d’un des fameux chapeaux rouges iconiques de la compagnie, on part à la découverte du laboratoire et des petites mains qui y œuvrent. Nous sommes rejoints par Julie, qui supervise la production ici et dont la retenue constitue le parfait complément au caractère de Juliette.
Comment tout a commencé?
Et le laboratoire?
Vous aviez dans l’esprit de grandir?
Étape après étape, vous avez développé la fabrique, c’est ça?
Êtes-vous complètement équipés maintenant?
On commence la visite par la grande pièce. À droite : fondants, rochers et brownies. À gauche, des employés préparent des portions d’ingrédients pour les restaurants. Juliette a un mot pour chacun d’eux, une blague, un compliment. Pendant ce temps, j’ai le droit de tout essayer. J’en profite au maximum. C’est délicieux. Juliette m’entraîne devant chaque table : « Il faut que tu goûtes ça! » D’après Julie, le petit péché de Juliette, c’est les rochers. La coupable avoue : « Oh my God! Ça! Des fois, j’en apporte dix dans mon sac avec moi! »
En plus de toujours goûter du chocolat pour le travail, en manges-tu une fois rendue à la maison?
Donc, tu manges du chocolat vraiment tous les jours ?
La création de nouveaux produits prend-elle du temps?
On poursuit dans l’espace chocolaterie où des toques rouges préparent des boulets de chocolat pour le calendrier de l’avent. Le travail est méticuleux, mais il faut garder un bon rythme; le chocolat ayant son petit caractère… Il fige si on ne s’en occupe pas tout de suite, il préfère certaines températures et certaines mains. Je m’essaie, mais pas de chance pour moi, les miennes sont moites tandis que celles de Juliette sont plutôt froides : « On m’a toujours dit que j’avais des mains parfaites pour le chocolat. » Là-dessus, Lionel, son mari et partenaire d’affaires, arrive avec ses trois enfants qui n’ont pas l’air malheureux de pouvoir déguster de nouveaux produits en développement.
On change de pièce et nous voilà devant une demi-douzaine de nouveaux chocolats. Je goûte, encore, et je découvre praline, framboise, café, caramel et autres surprises dans de délicieux cubes de chocolat. Mon foie tient bon, alors on part au marché Jean-Talon pour visiter un de leurs restaurants et goûter aux crêpes, une autre spécialité de Juliette : « J’ai été formée en France, par un vrai Breton. J’aime tellement les galettes de sarrasin! Je ne m’en lasse jamais. Pourtant des crêpes, j’en mange quasiment tous les jours! »
Juliette est au laboratoire au moins une fois par semaine, le reste du temps, elle fait le tour des succursales, se tient au courant de toutes les opérations : « Je veux voir comment les employés travaillent, où ils placent les choses, comment ils circulent dans l’espace. J’apprends des chapeaux rouges. Des fois je les vois faire des choses que je n’aurais pas faites pareil. » Ce lien avec le terrain n’a jamais été brisé, depuis les débuts de l’aventure. « Au départ, je faisais les crêpes, je lavais les toilettes, je faisais les boissons, je faisais le service, je faisais tout. J’ai dû arrêter quand j’ai eu mon premier bébé; j’ai eu une hernie discale et j’ai dû être alitée. Je ne pouvais plus bouger. Pendant que je me remettais sur pied, les opérations se sont mises à rouler sans moi. Ça a été une révélation! La première vraie étape de l’entrepreneuriat c’est d’arriver à déléguer. Je veux que ce soit parfait, mais j’accepte de ne pas pouvoir tout contrôler. » Juliette & Chocolat possède aujourd’hui huit succursales et aspire à en ouvrir d’autres.
Il est midi et pendant que Juliette se prête au jeu des photographies, je termine ma matinée de dégustation par une crêpe salée réalisée dans les règles de l’art. Mon corps et moi faisons le bilan : tout est au vert, la sérotonine engendrée par ma consommation de chocolat m’a rendu zen, l’énergie déployée par Juliette m’a réveillé et mes papilles ont tripé autant qu’un enfant dans une fabrique de chocolat.
Texte
Sylvain Martet
Photos
Sylvie Li