Joyaux de Provence
La belle Provence, terre prodigue aux mille vergers, accueille en son sein toute la générosité du soleil de la Méditerranée. Ce climat favorable au goût comme à la vie offre les conditions idéales à la production d’une variété de fruits exceptionnels. C’est là que vit encore un savoir-faire ancestral, celui de la transformation des fruits de ce terroir en mille bijoux de gourmandise. Là, en Provence, sont confits et préservés du temps les trésors de la nature. Ils ravissent l’âme des enfants de la garrigue, et nous allons vous raconter leur histoire.
AUX ORIGINES DU CONFISAGE
Capturer les saisons pour affronter les périodes difficiles est une vieille obsession. S’assurer une alimentation pérenne permet la sédentarisation de l’homme et lui offre un certain confort. Ce changement dans nos habitudes demande de surpasser la nature, une quête ancienne à laquelle nous aspirons toujours. Pourtant s’il est un art que nous maîtrisons enfin, c’est celui du confisage des fruits.
Le miel et le sucre sont des agents de conservation naturels qui sont employés en cuisine pour se prémunir de la dégradation du temps. Des milliers d’années avant notre ère, les Chinois savaient déjà comment faire confire les fruits, et les Romains les plongeaient dans le miel. Bien plus tard, au temps des croisades, le sucre fut introduit en Europe. On lui prêtait alors des vertus médicinales et dès le XIVe siècle, les artisans confiseurs maîtrisaient déjà la science gourmande du confisage des fruits. Les papes recevaient des cornes d’abondance chargées des plus brillants. Lors du banquet en l’honneur de Clément V, des arbres entiers furent couverts de fruits confits. Cette pratique éblouissante resta en vigueur jusqu’au XVIIe siècle lors des grandes fêtes données en l’honneur du souverain Louis XIV.
Le mot confire vient du latin conficere qui pourrait se traduire par « préparer ». Puis avec le temps, il sera associé à la préparation des aliments et plus précisément des fruits. Ce procédé est extraordinaire! Il consiste à remplacer progressivement l’eau naturellement contenue dans le fruit par du sucre. Entre alors en jeu la science des lois de l’osmose : des bains de sucre successifs, dont la concentration est de plus en plus importante, seront effectués jusqu’à ce que le fruit soit changé en un écrin de saveurs conservant sa forme initiale. C’est bien de cela qu’il s’agit : conserver l’essence même d’une mandarine sans altérer sa forme ni son goût.
Les fruits doivent être produits avec respect et cueillis au juste moment. Les pièces les plus spectaculaires, telles que les melons ou les ananas, demandent un savoir-faire supplémentaire et ne peuvent être préparées qu’à la main, sans utilisation de machines. Si certains procédés sont aujourd’hui mécanisés, l’essence même du métier de confiseur reste quasi inchangée depuis la Renaissance, et en Provence, ce travail reste très artisanal.
LA PROVENCE AUX VERGERS D’ABONDANCE
Des champs de lavande aux oliviers, des garrigues aux calanques, la Provence abrite une riche variété de fruits succulents. La région est célèbre pour ses productions de melons, d’abricots, de figues et de bigarreaux. Tant de fruits qui peuvent être confits et venir orner la brioche de l’épiphanie, censée symboliser la couronne des rois de Provence sur laquelle ces bijoux de sucre viennent briller. C’est entre Noël et le 6 janvier que s’arrachent mille ballotins contenant ces trésors de lumière. Chaque famille provençale en dispose sur ses plus belles coupes et dans ses plus élégants raviers. Le fruit confit se déguste tel quel ou s’utilise en pâtisserie.
Pour qu’un fruit confit soit parfait, le fruit qui en est à l’origine doit l’être également. Mais idéal pour le confisage ne signifie pas nécessairement qu’il pourrait être mangé comme tel. Pour conserver sa forme et obtenir un bon équilibre final, il faut parfois cueillir le fruit bien avant sa maturité. C’est là qu’entre en jeu l’expertise du producteur et du confiseur. En Provence, les poires Crémesine, issues d’une vieille variété locale, sont parfaites pour l’exercice, tout comme l’abricot rosé ou la cerise bigarreau Napoléon. On ne s’improvise pas confiseur, et la sélection des matières premières est une étape primordiale.
CONFISEUR, UN MÉTIER DE TRANSMISSION
Le travail du confiseur ne s’arrête pas aux fruits confits. En Provence, les maîtres de la lumière œuvrent aussi à la réalisation des calissons, des nougats ou encore des confitures. C’est au cœur des Alpilles, à Saint-Rémy-de-Provence et à Apt, que l’on trouve les meilleurs.
Notamment la Maison Lilamand dont l’histoire débute en 1866 à la fin du Second Empire. C’est Marius Lilamand qui fonde la confiserie-pâtisserie familiale, et depuis cinq générations, ses descendants perpétuent son savoir-faire de maître confiseur. Aujourd’hui, cette confiserie est reconnue dans le monde entier comme la plus authentique. Ici le sucre ne domine pas. Toutes les caractéristiques des fruits sont présentes, et c’est cela qui rend le goût de leurs fruits exceptionnels.
Quelques artisans irréductibles perpétuent ce savoir-faire d’exception pour le plaisir des amateurs. Un ravissement tout autant gustatif que visuel que l’on ne peut prétendre avoir connu qu’une fois les fruits dégustés. Car il existe beaucoup de contrefaçons, de fruits qui sont transformés selon des procédés industriels qui n’en font pas des trésors, mais des boules de sucre opaques. C’est comme beaucoup de choses dans la vie : il faut, dans sa quête du bon authentique, rester attaché à la tradition artisanale, celle où la main de l’Homme transforme les produits qui l’entourent en moments de joie exceptionnels.