Hip hip hip… cactus!

Le terme « hip » est entré dans la langue française à la fin du 19e siècle. Et on sait tous – c’est dans l’inconscient collectif – que plus il est répété (hip-hip-hip-hip-hip!), plus l’excitation est à son comble. Le mot de la victoire « hourra », lui, est un dérivé du cri d’encouragement des marins « huzza », lancé lors du hissage des voiles. Bref, c’est un peu beaucoup tout ça qu’on avait envie de tambouriner, en sautillant, quand on s’est retrouvées devant les allées de cactacées à Sainte-Marie-Madeleine.

Sauf que nous, on n’a pas eu besoin de lever l’ancre pour trouver ce territoire de trésors. C’est ben effoirée sur mon steak que j’avais vu ça passer sur Instagram un soir, Le Cactus fleuri, et il restait juste à embarquer dans le char pour s’y rendre. Oh wait. Faire du ménage dans le char pour pouvoir rapporter des boîtes de cactus. Et peser su’l gaz vingt minutes de plus que pour les chics Promenades Saint-Bruno.

(Oui, on sait, notre escapade sur la Rive-Sud n’est pas aussi grandiose-cinématographique-hollywoodienne que celle de Mathieu et Hélène. Mais eux, EST-CE QU’ILS ONT PU RAPPORTER DES PLANTES DU DÉSERT? Non. Faque han!)

« Bienvenue dans le sud », nous a lancé une employée fort sympathique, en nous voyant transpercer la première serre de splendeurs exotiques, avec nos sourires de Michel Courtemanche. On devait avoir l’air touristes en ta…

Nom : Pierrette Martel
Profession : cacticultrice (cactusienne pour les intimes)

Pierrette, vous avez fondé le cactus fleuri en 1976. que s’est-il passé en 1975?

Ha! ha! ha! Premièrement, mon mari, André Mousseau, et moi, on est allés à l’ITA (Institut de technologie agroalimentaire) à Saint-Hyacinthe. Dans notre temps, il y avait deux grandes options : l’horticulture maraîchère et l’horticulture ornementale. Nous, on est diplômés en horticulture ornementale. Pendant mes études, je me souviens, j’avais été fascinée par un producteur de cactus allemand qu’on avait visité à Napierville…
— Pierrette

Sans vouloir faire de mauvais jeu de mots, c’est lui qui vous a donné la piqûre?

En fait, c’est ma rencontre avec un professeur de mathématiques, Claude Lamarche, qui a été vraiment déterminante. Claude faisait pousser des cactus pour le plaisir dans ses temps libres. Tiens, regarde toutes les lignes qu’il y a dans un cactus… La symétrie… Y’a de quoi séduire un prof de maths longtemps! (Rires.) Lui avait donc la passion, et nous, l’expertise de la terre et de la lumière. Il cherchait des producteurs. J’ai fait construire une serre et on s’est lancés.

NDLR peu banale : Le Cactus fleuri s’étend aujourd’hui sur 35 000 pieds carrés de serres et produit, en plus d’une effarante gamme de plantes grasses et tropicales, 300 variétés de cactus d’Amérique et d’Afrique.

Devez-vous voyager pour mettre la main sur certaines graines magiques?

Nos graines, on les achète sur Internet! Étonnamment, on trouve nos perles sur des sites allemands et japonais, ces peuples sont très forts en développement et en recherche… Mais on dit que notre entreprise est 100 % québécoise, parce qu’on fait tout le reste ici, de la bouture à la mise en marché.

C’est quoi la bouture?

En gros, c’est un bout de plante, une jeune pousse, à qui on essaie de donner les meilleures conditions possible pour qu’elle s’enracine. Viens, je vais te montrer la pouponnière!

(OMG. Est-ce que je m’en vais voir des bébés cactus, moé là?)

Oh. Fâ chaud. Est-ce que les bébés ont besoin de plus de chaleur?

Oui, enlevez vos manteaux! La serre des semis est toujours chauffée à 25 degrés Celsius. Par contre, chaque fois qu’on nous lance « Eille, ça doit coûter cher de chauffage, élever des cactus! », il faut apporter des précisions.

Premièrement, tu vois, on chauffe avec de petits tuyaux d’eau chaude qui sont placés partout sous les pots. C’est une source de chaleur formidable, parce que ça ne s’évapore pas dans l’air! Ensuite, il ne faut jamais oublier l’habitat naturel du cactus. Dans le désert, il fait super chaud durant le jour, mais les nuits peuvent être très froides. Alors c’est pour ça que le cactus est résistant aux écarts de température et qu’il survit même à nos hivers. Penses-y. Y a-t-il quelque chose de plus sec qu’un appartement ou une maison québécoise l’hiver? Le cactus est ben content! (Rires.)

Et à part le look, c’est quoi la différence entre un cactus et une plante grasse, Pierrette?

Le cactus a ses réserves de sucre et d’eau dans son corps, tandis que la plante grasse les conserve dans ses feuilles, qui sont très épaisses. J’aime comparer ces petits êtres à des chameaux! Quand il pleut, ils font leurs réserves. Quand il fait soleil, ils utilisent leurs réserves… Tu sais, il ne faut pas sous-estimer la force de la plante en général. On a en a tous déjà vu une pousser dans l’asphalte, n’est-ce pas? Parfois, elle arrive même à pousser sur une roche…

Au risque de passer pour une niaiseuse, il faut que je vous raconte quelque chose.

L’an dernier, j’ai acheté un beau petit cactus dans le Mile-end à Montréal. Je le trouvais ben beau parce qu’il avait une petite fleur orange fluo sur le dessus. mais À un moment donné, la fleur est tombée. Et kossé que je découvre? Elle avait été collée avec de la colle!

C’est quoi cette mode-là, Pierrette? c’est pour attirer les hipsters?

Hi! hi! hi! C’était peut-être quand même une vraie fleur, juste séchée puis collée, tu sais… En tout cas, nous, on ne fait pas ça! Mais moi aussi j’ai remarqué une tendance. L’autre fois, j’ai vu des cactus peints dans un magasin! Avec de la vraie peinture, là! C’était joli, mais hey! Le cactus ne pourra pas continuer sa photosynthèse!

Les préfs de pierrette

Opuntia basilaris

« Tu vois, son vert tire sur le bleu et il a la forme d’un cœur. C’est le cas de le dire : c’est mon coup de cœur cette année! Ce cactus est même capable de passer l’hiver à l’extérieur, alors j’en ai fait pousser dans le jardin. Au printemps, il aura une fleur rose extraordinaire. »

Stetsonia coryne

« Celui-là, il ne faut jamais s’en approcher vite! Au Mexique, on prend ses aiguilles pour la couture… »

Figuier de Barbarie (Nopal)

« Je ne vais pas juste te le montrer, on va en manger! Un cactus comestible, bon pour le cœur, le foie… Et c’est aussi un coupe-faim, d’ailleurs. Vous ne partez pas sans ma recette de salsa! »


Texte

Melissa Maya Falkenberg

Photos

Cindy Boyce

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