Palm Spring et le desert modernism
Étonnante oasis au cœur du désert, Palm Springs doit sa végétation luxuriante et son riche écosystème à un aquifère produit par la dernière glaciation. Déjà, il y a plusieurs centaines d’années, les Cahuillas, un peuple autochtone habitant toujours le sud de la Californie, s’étaient installés dans la région et, au tournant du 19e siècle, on trouvait à Palm Springs un sanatorium, construit là en raison du climat doux et propice à la guérison.
En 1909, Nellie Coffmann, venue à Palm Springs pour guérir une toux persistante, y construit un premier hôtel et reçoit, parmi ses premiers clients, deux journalistes du L.A. Times qui ont tôt fait de vanter les mérites de la région. Si bien que, dès les années 1920, Palm Springs était déjà devenue la destination par excellence des stars hollywoodiennes; pratique, lorsque l’on sait que les contrats de l’époque exigeaient des vedettes qu’elles restent en tout temps à moins de deux heures d’Hollywood.
LES PREMIERS PAS DU MODERNISME
Pour loger cette population particulière, animée par le luxe, le confort et le désir de faire la fête, les plus grands architectes de l’époque se donnent rendez-vous à Palm Springs. Au cœur de leurs conceptions se trouvent les idées alors très en vogue : ici, fonctionnalité, esthétique, lignes pures et nouveaux matériaux ont la cote. Ce mouvement moderne, qui s’amorce avec la construction d’hôtels dans les années 1920 (comme la Popenoe Cabin, aujourd’hui détruite, dessinée en 1922 par Rudolf Michael Schindler), prend de l’ampleur dans les années 1930 et, plus encore, dans les années 1950, avec des architectes comme Richard Neutra, Donald Wexler, William Krisel, Albert Frey ou William F. Cody, qui découvrent à Palm Springs un terrain de jeu unique.
À l’instar des mouvements internationaux de la même époque, le modernisme de Palm Springs s’inscrit dans une volonté de décloisonnement et d’ouverture, de simplicité et de minimalisme. Mais dans ce territoire de roc et de chaleur, où la lumière est partout (on compte, à Palm Springs, moins de 150 mm de pluie par année), les architectes créent un mouvement plus organique, en laissant le paysage s’immiscer dans les volumes internes et en ouvrant les constructions aux reliefs environnants. Ces trouvailles, propres à la région, ont donné un sous-mouvement du modernisme, appelé après coup Desert Modernism, une architecture du désert, donc, qui fait aujourd’hui la signature de Palm Springs.
MARILYN MONROE, ELVIS PRESLEY ET LES AUTRES
Si Gene Kelly, Marilyn Monroe et Elvis Presley — pour n’en nommer que quelques-uns — ont séjourné à Palm Springs, les vraies vedettes de la ville ont pour nom Kaufmann Desert House (Richard Neutra, 1946), Frey II (Albert Frey, 1962), Elrod House (John Lautner, 1968) ou Loewy Residence (Albert Frey, 1946), des joyaux architecturaux pouvant encore être admirés aujourd’hui. Ces résidences, toutes uniques en leur genre, tirent le meilleur parti de leur environnement et des avancées techniques de l’époque de leur construction : aluminium, modules préfabriqués, fenêtres surdimensionnées, par exemple, entrent dans la composition de ces résidences. Celles-ci sont complétées par tout un lot de bâtiments publics de style moderniste et par les fameuses « Alexander Homes », un lot de plus de 2000 résidences modernistes destinées à des propriétaires aux moyens plus modestes, dessinées par les architectes Dan Palmer et William Krisel et construites, à partir de 1956, par l’Alexander Construction Company. Ces maisons, campées dans le quartier de Twin Palms, ont contribué à démocratiser le mouvement moderniste, si bien que la ville est, encore aujourd’hui, l’endroit où l’on retrouve la plus grande concentration de bâtiments modernistes au monde.
L’OUBLI ET LE SECOND SOUFFLE
Après avoir quelque peu sombré dans l’oubli pour une bonne partie des années 1970 et 1980, Palm Springs a vécu un renouveau dans les années 1990 grâce à des amateurs d’architecture, qui ont acquis ses résidences iconiques pour leur redonner toute leur splendeur. Aujourd’hui, Palm Springs accueille chaque année une foule de touristes venus admirer autant le paysage que l’architecture. Si vous passez par là, procurez-vous une carte des bâtiments les plus significatifs de l’architecture moderniste du milieu du siècle dernier au Palm Springs Official Visitor Center, lui-même installé dans une ancienne station-service imaginée par Albert Frey et Robert Chambers et laissez-vous impressionner par son immense toit en porte-à-faux. Visitez le Palm Springs Art Museum Architecture and Design Center, situé dans un bâtiment dessiné par E. Stewart Williams en 1961, ou planifiez une visite guidée avec un des spécialistes de la région. Et, surtout, laissez-vous séduire par la couleur du ciel, l’air chaud sur votre peau et la magnificence du paysage, comme l’ont fait tant d’autres avant vous.
Texte
Catherine Ouellet-Cummings
Photos
Mathieu Lachapelle et Hélène Mallette