La tête dans les étoiles
Le monde est grand, et je suis toute petite.
Comment ne pas penser autrement en regardant les photos de Catherine Simard? Des photos où les paysages sont magnifiés, où le silence de la nuit et la froideur des glaciers se côtoient, où les couleurs chatoyantes révèlent des reliefs intrigants.
« Mon background professionnel est très créatif, m’explique au téléphone la photographe autodidacte de Québec. J’ai été styliste de mode dans un milieu où l’aspect fantaisiste prenait plus de place que la fonctionnalité. J’ai transposé cet aspect-là de ma créativité dans la photographie de paysage et j’ai aussi le désir de transposer ma personnalité et ma vision dans mes images. Cela donne quelque chose d’unique. C’est un nouvel univers, une interprétation d’une expérience que je vis. »
Pour y parvenir, la photographe a développé un style bien à elle, où les photographies de nuit et les teintes de bleu dominent : « La couleur bleue a un effet plus intense sur moi. C’est un feeling calme, apaisant, de sérénité. » Dans son univers, Catherine utilise cette couleur pour créer des paysages éthérés et fascinants. « Mon intention n’est pas de représenter la réalité, mais plutôt de créer quelque chose. Très tôt, j’ai commencé à faire des images composites [assemblées à partir de plusieurs images, ndlr]. C’était un choix naturel », explique-t-elle. D’ailleurs, elle ne s’en cache pas : pour chaque image publiée sur son compte Instagram, ses quelque 149 000 abonnés ont accès à l’histoire qui l’ont rendue possible. « J’ai commencé à expliquer ce que je faisais dès le départ. En début de carrière, c’était pour éviter les reproches, mais maintenant, ça fait partie de mon éthique de travail. Ça évite la confusion et le conflit, et ça me permet d’être 100 % créative », ajoute-t-elle.
Même si la retouche et le travail sur ordinateur occupent une place importante dans le travail de Catherine, ils ne suffisent pas à le définir. La quête des grands espaces, les compositions soignées et la présence des montagnes, des glaciers et des lacs y jouent un rôle prépondérant. « C’est très important pour moi qu’il y ait un élément d’eau. J’ai lu quelque part que, de manière instinctive, l’humain a toujours recherché des points d’eau pour la survie, alors c’est peut-être ça… Mais c’est aussi que les points d’eau sont ce qui provoque le plus d’émotions dans mes photos. Ça crée une perspective », explique-t-elle. De la même façon, elle ajoute parfois un personnage à ses compositions. « C’est tout le temps moi!, lance-t-elle. Je prends différentes poses ou je travaille avec des time lapses. » Elle peut ainsi souligner la perspective d’un lieu ou jouer sur des effets de grandeur entre les éléments.
« Je préfère sortir moins de photos, mais des photos de meilleure qualité », poursuit la photographe. Elle ajoute que chacune de ses images nécessite un grand nombre d’heures de travail. Tout commence par la préparation, qui inclut une recherche approfondie sur les lieux qui seront visités et une planification en fonction du temps de l’année : « Je vérifie à quel moment sera la pleine lune, comment sera placée la Voie lactée, etc. Sur place, j’ai une idée de ce que je veux, mais le processus reste fluide. » À titre d’exemple, elle raconte que lors de son dernier voyage au Pérou, l’an dernier, elle a planifié un trek de 7 jours pendant lequel elle devait se lever tous les matins à 2 heures pour faire ses photos. « Certaines des images que j’ai faites étaient entièrement planifiées, d’autres étaient complètement imprévues et certaines sont un mélange entre les deux », me confie-t-elle. Au retour vient l’étape du travail à l’ordinateur. « C’est un processus instinctif pour trouver l’équilibre parfait et faire de microajustements. Je continue jusqu’à ce que je sente qu’il n’y a rien qui dérange à l’œil et que l’image produite me fasse ressentir une émotion. Si ça ne fonctionne pas, soit je la laisse reposer quelques jours ou quelques semaines et j’y reviens pour la retravailler, ou je recommence carrément du début! »
De ce trek au Pérou sera finalement sortie, après plus de 80 heures de travail sur ordinateur, l’image – magnifique – de Catherine, face aux imposantes montagnes péruviennes, sous un incroyable ciel étoilé. Et ce personnage en manteau rouge, éclairé par la lumière d’une lampe frontale, cristallise alors nos émotions, comme si nous nous tenions nous aussi, seuls, devant l’immensité.