Pacifique

On s’était juré de le refaire; parcourir les côtes californiennes à la recherche de ces endroits qui, plusieurs années auparavant, nous avaient si profondément bouleversés. Là où nous chantions notre liberté, où le soleil était toujours plus fort, la brise plus douce et salée, les routes plus sinueuses et les falaises aussi abruptes que la pente de nos nez.

Rouler sur la 1 jusqu’au bout du monde, sur ce fond sonore de puissance déchaînée, le bruit régulier des vagues enveloppantes qui nous berçaient les idées comme le souffle d’une mère sur la tête de son nouveau-né.

Les habitants de cette terre de soleil connaissent le secret du temps qui s’allonge, qui s’étire, qui se repose et qui s’endort doucement. Sous nos yeux, la fougue des surfeurs anime les eaux qui s’élèvent, culminent et retombent avec lourdeur, comme des chatons blancs dans une joyeuse mêlée amicale. Pacifique.

Les rêveurs s’agglutinent sur les côtes, à la recherche de cette chaude lumière orangée. Certains viennent pour l’aventure, d’autres pour le calme désarmant. On y trouve des sourires et des visages plissés de bonheur. On y entend des oiseaux espiègles qui jouent des tours. On y respire l’air embaumé de parfums organiques – feu de bois, conifères et coquillages. Les cailloux y sont nombreux et les cœurs heureux aussi. C’est l’endroit où les rêves se mêlent à la brume résineuse, où l’angoisse retire ses souliers et s’agenouille au pied du vent pour déclarer forfait avec humilité. Là où la nuit s’installe comme un drap contour, épousant chaque monticule, chaque crevasse, chaque songe oublié.


Texte

Hélène Mallette

Photos

Mathieu Lachapelle et Hélène Mallette

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